Marc Fourmentin
Spectrométrie Mössbauer :
La résonance gamma nucléaire ou spectrométrie Mössbauer utilise la possibilité d’observer dans les solides l’absorption résonnante sans recul de photons. Ce phénomène de résonance gamma nucléaire se produit quand un photon gamma émis par un noyau émetteur S lors de la désexcitation de ce noyau est absorbé par un noyau absorbeur A identique, qui passe alors dans un état excité (fig 1). La distribution spectrale des photons émis et absorbés N(Eγ) est une lorentzienne de largeur énergétique Γ appelée largeur naturelle du niveau nucléaire excité :
avec E0 = Ee – Ef ,
Ee énergie de l’état excité,
Ef énergie de l’état fondamental
Pour une valeur typique de E0 = 100 keV, Γ est de l’ordre de 10-8 eV. La largeur relative Γ / E0 est donc de l’ordre de 10-13, faisant de ce rayonnement l’un des mieux définis, conduisant à une sélectivité énergétique extrême, permettant ainsi de différencier de très faibles valeurs d’énergie correspondant aux interactions hyperfines.
Figure 1 : Principe de la résonance gamma nucléaire.
Les photons gamma sont émis lors de la transition nucléaire d’un noyau émetteur S de l’état excité d’énergie Ee vers l’état fondamental d’énergie Ef. Le phénomène d’absorption résonnante consiste en l’absorption du photon gamma par un noyau identique A dans l’état fondamental. Le noyau absorbant A est alors excité au niveau d’énergie Ef.
L’investigation des niveaux d’énergie du noyau Mössbauer dans l’absorbant nécessite donc de modifier l’énergie E des photons émis par l’émetteur (généralement une source radioactive contenant l’isotope Mössbauer dans un état excité). La variation d’énergie est obtenue en déplaçant la source à une vitesse relative v par rapport à l’absorbant (fig. 2). Par effet Doppler du premier ordre, le changement d’énergie du photon est E = (v / c) x Eγ (où c est la vitesse de la lumière). Les vitesses requises pour les isotopes Mössbauer usuels sont de l’ordre du mm.s-1. En Spectrométrie Mössbauer, les énergies sont exprimées en unités de vitesse.
Figure 2 : Principe expérimental de la Spectrométrie Mössbauer par transmission.
Le détecteur D de photons enregistre la variation de transmission du flux de photons N(v) en fonction de la vitesse relative v de la source S par rapport à l’absorbant A. L’absorption augmente lors de la résonance (v = 0 en absence d’interactions hyperfines). La courbe d’absorption correspond à une convolution des raies d’émission et d’absorption, et est décrite en première approximation par une fonction lorentzienne de largeur à mi-hauteur 2 Γ.
L’intérêt primordial de l’effet Mössbauer réside actuellement dans ses applications possibles en physique et chimie de la matière condensée (physique du solide, magnétisme, métallurgie physique et appliquée, chimie de coordination, catalyse, minéralogie, biologie, archéologie…). Comme les autres sondes nucléaires, la spectrométrie Mössbauer donne des renseignements locaux sur les noyaux qu’elle affecte, en particulier sur leur état de vibration, la densité électronique locale et le moment magnétique effectif.
Ce type de données fournit des renseignements précieux sur l’état de valence des atomes correspondants, les liaisons qu’ils forment avec leurs voisins et leur position dans un réseau cristallin. L’effet Mössbauer fournit des données très utiles pour l’étude fondamentale des alliages et autres composés de fer comme les carbures et les oxydes. Cette méthode, non destructive, sert également à tester certaines propriétés de substances industrielles comme l’état d’agglomération du carbone ou de l’azote dans les aciers ou encore le degré d’oxydation de minerais. D’une manière générale, les possibilités de la spectrométrie Mössbauer concernent les relations entre les propriétés fondamentales des matériaux (structure électronique et magnétique, ordre structural ou chimique) et leurs propriétés moyennes massives qui sont susceptibles d’applications pratiques.
Spectromètre Mössbauer en transmission :
Les spectromètres Mössbauer sont constitués en général d’une chaîne de mouvement (vibreur sur lequel est fixée la source et générateur de fonction) et d’une chaîne de détection (compteur, amplificateur, analyseur monocanal). Le vibreur contenant la source, l’obturateur, le porte échantillon et le compteur sont placés dans une enceinte de protection plombée pour éviter toute irradiation. Ces deux chaînes sont synchronisées et pilotées par un ordinateur.
Principales caractéristiques du spectromètre du laboratoire :
Figure 3 : Configuration du Spectromètre Mössbauer en transmission
- Sources radioactives autorisées:
– 57Co (1 GBq)
– 119mSn (1 GBq)
– 125mTe (1 GBq)
– Vibreur : MVT-1000 (WissEl)
- Chaîne de mouvement:
– Générateur de Fonction : DFG-1200 (WissEl)
– Unité de pilotage : MDU-1000 (WissEl)
– Calibreur de vitesse laser : MVC-450 (WissEl)
– Vibreur : MVT-1000 (WissEl)
- Chaîne de détection:
– Compteur proportionnel : LND-45431 (LND, Inc.)
– Préamplificateur : PEA-6 (WissEl)
– Amplificateur : AMP-1000 (WissEl)
– Alimentation Haute Tension : HVS-2 (WissEl)
– Module d’acquisition : CMCA-550 (WissEl)
Figure 4 : Dispositif expérimental en enceinte plombé
Exemple d’application :
Spéciation chimique du Fe dans des particules atmosphériques :
Fe2O3 ≈ 72 ± 3 %
Fe3O4 ≈ 20 ± 3 %
CaO·xFe2O3 ≈ 8 ± 3 %
Source : Jean-Paul EYMERY, Jacques TEILLET, Techniques de l’ingénieur